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Le Festival international du film de Toronto a annoncé, jeudi 12 septembre, dans un communiqué, « mettre en pause » les projections du documentaire controversé Russians at War après avoir reçu des « menaces significatives ».
« Nous avons été informés de l’existence de menaces significatives pour les opérations du festival et la sécurité du public », ont déclaré les organisateurs dans le texte, faisant référence à des informations « indiquant une activité potentielle dans les prochains jours qui pose un risque significatif ». « Il s’agit d’une décision sans précédent » pour le festival, ont-ils ajouté. « Nous nous engageons à le projeter lorsqu’il sera sûr de le faire. »
La cinéaste canado-russe Anastasia Trofimova a présenté Russians at War à la Mostra de Venise au début de septembre, après avoir passé plusieurs mois au sein d’un bataillon russe sur le front ukrainien, glanant les témoignages de soldats dont elle a tiré ce film de plus de deux heures. Il devait être présenté pour la première fois en Amérique du Nord au festival de Toronto vendredi. Des projections étaient ensuite prévues samedi et dimanche.
A Venise comme à Toronto, des personnalités politiques et culturelles ukrainiennes ont exprimé leur colère, dénonçant de la « propagande russe ». Chrystia Freeland, la vice-première ministre du Canada, a déploré plus tôt cette semaine la projection du film, déclarant qu’« il ne pouvait pas y avoir d’équivalence morale dans cette guerre ».
L’Agence d’Etat ukrainienne pour le cinéma a également demandé au festival du film de Toronto de ne pas projeter le film qu’elle qualifie d’« outil dangereux de manipulation de l’opinion publique ». Anastasia Trofimova a affirmé dans un communiqué que son film était au contraire « un documentaire antiguerre » et qu’il montrait des « gens ordinaires ».
« En réponse aux récentes attaques portées contre mon film Russians at War et contre ma personne, je voudrais réaffirmer que cette coproduction franco-canadienne est un documentaire antiguerre, et qu’il a fallu prendre de grands risques pour le réaliser », explique-t-elle. « L’insinuation selon laquelle il s’agirait d’une propagande orchestrée par la Russie est absurde, sachant que je suis menacée de poursuites pénales en Russie. Je condamne sans ambiguïté l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe et reconnais la légitimité des enquêtes lancées par la Cour pénale internationale sur les crimes commis en Ukraine. Je comprends également la souffrance et la colère que ce thème peut déclencher chez celles et ceux qui ont à souffrir de la guerre. Ma mère a émigré de Russie au Canada pour que nous puissions vivre dans un pays accordant de la valeur à la liberté d’expression et aux droits de l’homme. J’espère que mon film pourra être vu, apprécié ou contesté pour lui-même, et non sur la base de simples suppositions, et que le type de débat qu’il contribuera à nourrir pourra aider à la paix. »
D’après un journaliste de l’Agence France-Presse ayant vu le film, les soldats que l’on voit à l’écran semblent, en effet, avoir perdu le sens de leur participation à ce conflit. Manquant d’équipement, ils bricolent eux-mêmes leurs armes, recourant à du matériel datant de l’ère soviétique. Enchaînant cigarettes et verres d’alcool, ils essayent de noyer leur désarroi face aux blessures ou à la mort de leurs camarades.
Dans un e-mail au Monde reçu le 7 septembre, l’agence de presse et société de production française Chabalier & Associates Press Agency (CAPA), coproductrice du film, réaffirme que celui-ci n’est nullement « prorusse », mais « montre seulement le dénuement et l’état d’esprit de soldats de base côté russe ». Elle précise que, si Anastasia Trofimova a « certes travaillé pour [la chaîne russe] RT », cela a eu lieu « il y a quelques années, et sur des tournages étrangers (notamment au Moyen-Orient), la chaîne étant à l’époque la seule en Russie à pouvoir financer des missions lointaines ».
Le producteur Sean Farnel a déclaré sur X que la décision d’annuler les projections à Toronto lui « brisait le cœur ». Il a reproché aux critiques de hauts responsables d’avoir « incité la haine violente qui a mené à la décision douloureuse de mettre en pause la présentation de Russians at War ».
Le Monde avec AFP
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